Ses lèvres s’élargissent. Elles sont rouge sang. Devant son
visage, blanc comme une neige de février, coulent des mèches à la noirceur
d'une nuit sans lune. Elle est l’hiver, le froid vivifiant, une fuyarde
endormie sous les branches basses d’un sapin cerné de givre.
Les doigts de la blonde qui m’avait embrassée se resserrent
sur mon poignet. Elle m’attire à l’intérieur. La porte claque sur mes fesses.
Je connais ces filles, mais d’où ? Je n’ai pas la force de lui opposer la
moindre résistance. J’entends le bruit de mon escarpin qui heurte le plancher
et je me dis qu’elle pourrait faire gaffe, ça coûte une blinde ces machins-là...
Franchement, j’ai rien de mieux à penser en ce moment qu’à cette foutue chaussure ? Je dois
avoir un truc avec les souliers. Ça me rappelle que je ne sais même pas comment je
m’appelle… Comment elle a dit, la brune ? Cendrillon… Va pour Cendrillon,
alors. Les questions embrouillent mes pensées. Je tente d'articuler quelques
interrogations maladroites, mais l’index de la brune se pose sur ma bouche
comme un papillon. Elle se tient debout devant moi. Sa beauté me subjugue.
J’entends dans mon dos le bruit d’une étoffe qui tombe sur le sol. La blonde a
fait glisser à ses pieds sa robe à la coupe surannée. Elle est nue. Sa peau est
couverte de tatouages. Un lapin qui court, une chenille dodue qui fume, un chat
qui se marre… Il y en a vraiment partout.
Elles se jettent sur moi. Décidément, c’est une idée fixe !
Elles y vont fort ces salopes. Je me débats comme je peux. Leurs lèvres
m’embrassent, leurs langues courent sur mon cou. Je suis plus surprise que
terrorisée. Pourtant, je devrais me faire du souci, là. Je ne sais pas depuis combien
de temps dure ce petit manège. Deux minutes ? Cinq ? Au bout d’un
moment, j’en ai plein le cul et je riposte. Je saisis le bras de la brune et la
projette de toutes mes forces loin de moi. La vache ! Elle vole
littéralement à travers la pièce. Elle se rééquilibre au dernier moment et
atterrit en souplesse sur un mur. Sur un mur ?! Je me tourne vers la
blonde tatouée avec un regard qui veut dire « Non mais sérieux, t’as vu ça ? ». Elle est en position d’attaque, regroupée sur elle-même. Elle bondit.
Je ne sais pas si à ce moment je retrouve la mémoire ou je perds mon humanité. En tout cas, je l’attrape au vol avec un sourire carnassier. Alice ! Nos canines fendent l’air et l’étreinte sauvage commence. Blanche nous saute dessus et là, ça devient vraiment n’importe quoi. Les peaux fragiles sont déchiquetées, des gerbes de sang giclent dans tous les sens, les meubles se fracassent contre les murs. Faut nous comprendre, on est contentes de se revoir. La gravité n’a plus prise dans cette pièce. Le plafond, le sol, les murs… Toute surface plane est bonne pour se rouler dessus. À force, on se fatigue, on se calme, on est couvertes de sang ; les étreintes se font plus douces, les coups de griffes se transforment en caresses ciblées. Les morsures restent des morsures, par contre, faut pas déconner. Mais elles se font plus langoureuses, plus sensuelles. Le sang n’est plus gaspillé sur le mobilier de prestige. Il passe de l’une à l’autre, déclenchant dans nos corps des crampes de plaisir...
A suivre
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