mercredi 19 février 2014

Nuit d'ivresse

Stress by Justice on Grooveshark
 Je reprends conscience au milieu d'un carrefour quand le chauffeur du taxi qui vient de piler devant moi dilue sa montée d'adrénaline dans une bordée d'injures en wolof. Je plonge mon regard dans le siens. Ses yeux sont jaunes. Je les distingue, noyés dans la lumière glacée de son plafonnier. Ce mec me hait. Il ressemble à un diable. Le nez de sa cliente a dit bonjours à l’appuie-tête du siège passager. Je ne n'essaye pas de discuter. Mes jambes se mettent en action et me ramènent sur le trottoir. Où je suis ? Il fait nuit. Putain, il me manque une chaussure. Le reflet d'une vitrine me renvoie la gueule d'un spectre. Le col de ma chemise est souillé. Je baisse les yeux. Merde, du sang ?! J'ouvre mon manteau... J'ai égorgé un porc récemment ou quoi !? Je le referme aussi sec et je me mets à marcher. Dans une direction au pif. Mon cerveau explose. Panique totale. Pendant un quart d'heure, j'avance. Je bouscule des gens, je grille des feux. Je m'étale sur une famille de Roms posés sur un matelas. Ils m'insultent dans leur langue. Je me mets à courir. Pas longtemps, parce que je fume et je dois reprendre mon souffle, les yeux rivés sur le bitume. Le sol est vert. Je lève le regard. Un pub. Avant d'entrer, je tâte machinalement les poches de mon manteau : de la gauche se sort un cylindre de plastique contenant une pellicule photo ; de l'autre une liasse de billets de Monopoly violets. J'y regarde d'un peu plus près. Je les remets dans ma poche immédiatement. Des 500 €, j'en avais jamais vu un en vrai. J'entre dans le pub.



Moon Dawg by The Gamblers on Grooveshark
Le barman me regarde de travers. Je pose un billet sur le bar et commande une bouteille de Jack Daniel's. Il se détend. Je déteste le whisky, mais c'est ce qu'il a de plus cher. Je vide trois verres. L'alcool me chauffe le visage. Je récupère ma monnaie et aussi sec je descends deux verres de plus. Deux nerds entrent dans le bar et se posent à côté de moi. Un petit gros et un grand maigre. Des gueules à être encore puceaux à quarante ans. Je n'entends pas ce que je leur dis, mais je me fous bien de leur gueule. Le petit gros me pousse. Je me jette sur lui et le cogne avec ma grolle. Son pote m'attrape. Je me débats. Ils me pètent la gueule. Je me retrouve dehors, la gueule en vrac. Le whisky me chauffe les joues. Mon nez pisse le sang. Je sais toujours pas où je suis, d’où je viens, d’où vient ce fric, d’où vient le sang... Ni où est passé ma putain de deuxième chaussure. Je pare au plus pressé. Je regarde autour de moi. Je repère une station de métro ; super, je suis à Paris. Étienne Marcel.... Je passe sous une grande arche. Des couples endimanchés sortent des théâtres. Leurs regards dégoûtés me poussent vers une ruelle. Je repère un dealer. Je lui file un billet et je repars avec 3 grammes de Cécilia et un sachet de MDMA. Je tourne au coin de la rue. Personne. Je m'envoie deux traits sur un rebord de fenêtre avec un billet roulé en paille et je gobe un cachet.

Out Of The Races And Onto The Tracks by Rapture on Grooveshark
C'est parti pour le grand voyage. D'abord les narines qui s'engourdissent, la langue qui se met à saliver... Puis la vague MDMA arrive par la nuque et submerge mon cerveau. Il faut que je me remette à marcher. L'éclairage urbain m'agresse les rétines. Le visage des passants que je croise est figé. Le bruit des voitures n'est plus synchronisé avec leur passage. Mais je semble à peu près savoir où je vais. Je pénètre dans la cour d'un hôtel particulier. Je me surprends à connaître le code. Je gravis les marche du premier escalier à droite. Sympa les colonnes. Maintenant, c'est le silence du lieu qui m'agresse. J'ai l'impression d'avoir tourné dans l'escalier pendant une heure. Je frappe à la porte du premier étage. Une superbe brune m'ouvre et me roule une pelle. Je la repousse. Pour qui elle se prend cette gouine ? Elle sourit. Ses canines sont super-longues. Je tâte les miennes avec ma langue... Elles sont super longue aussi... O.K., ça va pas du tout.

Derrière elle une deuxième fille affalée dans un fauteuil me toise du regard. Ma deuxième chaussure se balance sur le bout de son doigt : "Tu as perdu ta Louboutin Cendrillon ?"

I Wanna Be Your Dog by The Stooges on Grooveshark

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